Gentil chien ?
En balade, on me demande assez régulièrement si mon chien est « gentil ». Il s’agit la plupart du temps d’humains qui s’approchent de nous avec leur chien et qui souhaiteraient manifestement que nos chiens se rencontrent.
Mais quel est le sens de cette question ? Comment y répondre ?
Bien souvent, cette question est posée quand la distance entre les chiens est réduite, et que donc, il n’y a plus la possibilité d’éviter la rencontre… Les chiens se rencontrent et alors, plusieurs scénarios apparaissent :
-
la rencontre est calme, les chiens prennent leurs informations, leurs odeurs puis continuent leur balade.
-
un des chiens se met à courir et alors on entend le fameux « il veut jouer ».
-
des grognements sont émis par un des chiens, les dents peuvent apparaitre, le poil est hérissé, les queues sont hautes, quand des aboiements n’ont pas été émis auparavant (mais dans ce cas, tout le monde comprend assez vite qu’il n’y aura pas de rencontre), c’est alors qu’on entend « il est méchant votre chien ».
Dans chacune de ces situations, il ne s’agit ni de « jeu », ni de « méchanceté » mais avant tout de communication.
Les chiens communiquent entre eux avec une diversité de comportements, d’attitudes auxquels les humains sont souvent peu attentifs. Cohabiter avec notre chien ne veut pas dire lui interdire les comportements propres à son espèce, à son animalité.
Il ne s’agit pas de tout laisser faire à son chien. Bien sûr, nous souhaitons tous que notre compagnon à poils soit sociable et qu’il sache s’adapter à notre mode de vie sans trop de contraintes.
Mais pour ça, il s’agit de s’intéresser aux besoins de son chien, à sa communication, et prendre de la distance avec les idées reçues, le regard des autres.
Tirer sur la laisse ou le disputer quand il aboie ou grogne revient à l’empêcher de communiquer. Comme le chien est un animal qui a une capacité hors-norme à s’adapter (il vit à nos côtés depuis au moins 15000 ans), il y a peu de doute pour qu’il s’adapte également à cette demande mais à quel prix ?
-
Le chien peut se sensibiliser, en augmentant sa réponse au fur et à mesure que la situation se présente car il n’est pas respecté dans sa communication.
-
Il peut aussi se résigner, s’éteindre. Alors oui, l’humain ne sera plus gêné par ce comportement, mais quand on adopte un chien, le fait-on pour qu’il soit résigné ou souhaite-t-on partager des moments de complicité ?
-
La relation entre l’humain et son chien perd en qualité, générant l’incompréhension voire de la méfiance du chien envers son humain, avec à la clef, l’apparition d’autres comportements dérangeants.
D’autres comportements canins sont souvent mal interprétés. Par exemple, Ricola utilise beaucoup le chevauchement sur les chiens qu’il connaît peu, principalement envers les mâles.
Cette situation met souvent mal à l’aise les humains qui y voient soit de la domination (encore une idée reçue), soit une dimension sexuelle.
Encore une fois, il s’agit de communication. Le chevauchement dans ce contexte, n’a rien de sexuel mais est plutôt une stratégie comportementale qui permet à la fois de « décharger » de la tension liée à la rencontre, peut-être aussi mettre un « coup de pression » à son congénère. Il peut aussi s’agir de contrôler le mouvement et les déplacements… Tout ça dépend du contexte bien entendu, de la connaissance des chiens entre eux et de bien d’autres facteurs. N’oublions pas que le chien vit avant tout dans un monde d’odeur et que dans leurs interactions, les chiens ont des informations qui ne nous sont pas accessibles.
Il s’agit plus d’observer pour mieux comprendre son chien que d’interpréter les interactions des chiens de notre point de vue d’humain (avec les codes sociaux attendus).
D’ailleurs, l’interprétation et la réaction des humains est souvent différente selon que le chien soit petit ou grand, alors qu’ils communiquent de la même manière et devraient être tout autant respectés qu’il s’agisse d’un Bichon ou d’un Berger Allemand.
Il faut garder en tête que chaque comportement proposé par un chien a du sens pour lui. Agir sur le comportement ne résout rien au problème rencontré par le chien. Tenter de comprendre l’origine de ce comportement permet de l’aider à trouver une autre solution.
En l’occurrence ici, l’humain peut aider son chien de plusieurs façon : éviter la rencontre, prendre de la distance, faire un bout de balade ensemble (le mouvement des humains aidera les chiens à avoir d’autres interactions), modifier son déplacement, son positionnement…
De manière générale, j’évite les croisements avec les autres chiens. Ces croisements n’ont pas d’intérêts.
Bien souvent les chiens arrivent face à face (alors qu’ils préfèrent les courbes), sont poussés par leurs humains (qui ne respectent pas les temps de pause du chien en continuant à avancer), sont retenus ou tirés par la tension de la laisse (qui ajoute de la tension à la rencontre),…
L’interaction qui suit est alors bien souvent tendue et source d’excitation (il y a peu de probabilité pour que deux chiens qui ne se connaissent pas jouent ; ils usent de stratégies pour gérer un mal-être). En aucun cas cette interaction ne comble le besoin social du chien (car trop courte) et risque même de générer de la frustration et multiplier les comportements de décharge du chien pour retrouver un équilibre émotionnel.
Dans le cas de chiens dits réactifs, il s’agit surtout d’éviter ces situations qui vont renforcer la problématique rencontrée par le chien, pour davantage travailler avec des chiens connus, au rythme de chacun, accompagné par un professionnel de l’éducation canine.
Il est essentiel que tous, nous respections les demandes de distance demandées par certains humains. Chacun a une connaissance propre de son chien qu’il s’agit d’entendre. Le problème des : « mon chien est gentil, ça va bien se passer », c’est que la sensibilité de chacun des chiens n’est pas respectée, avec des conséquences désastreuses pour certains.
Le chien envoie en permanence des signaux à destination des autres chiens, des humains, de lui-même. Savoir observer son chien, décoder sa communication et la respecter favorise la relation que l’on tisse avec son chien. Elle renforce la confiance en chacun et l’écoute mutuelle.
Plutôt que « gentil » ou « méchant », préférons la notion d’équilibre émotionnel qui suggère une communication nuancée, diversifiée, adaptée aux exigences de la situation.